Kerozene, Adeline Dieudonné (L’Iconoclaste, 2021)

« 23h12. Une station-service le long de l’autoroute, une nuit d’été. Si on compte le cheval mais qu’on exclut le cadavre, quatorze personnes sont présentes à cette heure précise ».

Après le succès de son premier roman, La Vraie Vie, Adeline Dieudonné signe un roman incendiaire avec Kerozene. Dans une écriture inflammable, elle dépeint une galerie de personnages tous plus déjantés les uns que les autres.

Ces nouvelles explosives mettent en scène des tranches de vies, pesantes et polluées, qui défilent avec la vitesse et la dangerosité de poids lourds polonais sur une autoroute. La station-service, comme la vie, on ne fait qu’y passer. C’est le point commun à tous les personnages qui s’y retrouveront. Mais surtout, ils en sont tous à un point de non retour de leur vie, un point de bascule, une mise en mouvement générée par un ras-le-bol qui vous fait prendre le volant et appuyer sur l’accélérateur. Kerozene, c’est une plateforme de forage d’où l’écrivaine extrait la mécanique des rapports de domination. Domination de classes, domination hommes / femmes, animal / humain, famille / individu, jeunes / vieux, terroristes/victimes… Tous étouffent, tous sont soumis à une forme d’assujettissement ou d’emprise. Tous crient leur liberté et ont de bonnes raisons de craquer.

On y rencontre notamment Chelly, pole danseuse instagrameuse, qui voue un culte à la performance et déteste les faibles. Victoire, une nana bien tarée qui hait les dauphins. Julie, « Mademoiselle Oui », coincée avec une belle famille légèrement intrusive. Alika, une domestique des Philippines « prêtée » par ses patrons à des amis. Monica, personnage de la Vraie Vie et fil rouge du roman, qui refuse d’aller en EHPAD et veut choisir sa mort. 14 portraits dont le plus réussi est, à mon sens, celui de Red Apple, un cheval qui m’a paru finalement plus « humain » que la plupart des personnages pour lesquels j’ai eu du mal à éprouver de l’empathie. J’en ai détesté certains, d’autres m’ont paru peu crédibles, d’autres encore m’ont touchée comme Alika ou Red Apple.

La plume d’Adeline Dieudonné est noire comme le pétrole, féroce comme un fauve en cage, décapante comme l’acide. Son style raffiné carbure à l’humour et au burlesque, aussi bien qu’à la violence et au macabre. Son écriture roule sur le trash, le cru, le loufoque. Elle est parfois dérangeante, choquante voire délirante mais toujours porteuse d’une vérité. Kerozene est un produit dangereux, un concentré chimique des névroses d’une humanité qui roule à 150 km/h, ne faisant que passer, mais laissant une trace désastreuse.

La lecture de ce roman très fluide se fait aussi vite qu’un plein d’essence. Comme dans une station-service, j’y suis passée avec le plaisir d’une parenthèse qui s’ouvre et se referme rapidement, mais je ne suis pas sûre de m’en souvenir. C’est un de ces romans fugaces qui ne vous transportent pas mais dont on n’a parfois besoin.

Ils en parlent aussi :

https://gruznamur.com/2021/04/09/kerozene-adeline-dieudonne/

http://shangols.canalblog.com/archives/2021/04/26/38940841.html

https://karoo.me/livres/kerozene-dadeline-dieudonne-comme-une-envie-de-craquer-lallumette

https://collectiondelivres.wordpress.com/2021/04/12/kerozene/

http://www.sylire.com/2021/04/kerozene-adeline-dieudonne.html

https://melieetleslivres.wordpress.com/2021/04/02/kerozene-adeline-dieudonne/

https://plaisirsacultiver.com/2021/04/25/kerozene-dadeline-dieudonne/

https://krisjessies.com/2021/04/08/kerosene-adeline-dieudonne/

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